Editorial
Et les réfugiés à nos portes ?
Nous nous sommes posés la question d’aborder ou non ce drame, de comment le traiter, par qu’elle plume compétente et inspirée de l’esprit F+R. La photo du corps inerte du petit Aylan, échoué sur une plage turque, est à la ‘une’ des journaux le jour où nous sommes réunis en équipe de rédaction. L’émotion que provoque une telle photo, telle un coup de couteau dans une baudruche d’eau sale, nous éclabousse d’une tragédie présente depuis des années, que nous connaissons sans la ‘sentir’, que nous voyons sans la regarder vraiment et dont nous entendons parler à longueur d’années maintenant; mais ce qui entre par une oreille …, on connait la suite!
Deux jours plus tard, messe du samedi soir. Dans l’évangile de Marc, Jésus guérit un sourd-muet et lui dit: «Ouvre-toi». Je ne peux m’ôter de la tête que je suis bien sourd aux cris des réfugiés, et avec moi, la société où je vis, ses responsables sociaux et politiques, son opinion publique, en Belgique, en Occident. Avec tout mon monde, je m’identifie également au muet, grosso modo sans réponse à ces cris désespérés, du moins des réponses pas assez efficaces, pas assez radicales (à la racine du mal), indignes de l’image que je me fais de l’humanité. La célébration m’impose en outre un chant bien connu: «Laisserons-nous à notre table un peu de place à l’étranger? Trouvera-t-il, quand il viendra, un peu de pain et d’amitié?»
Que faire alors ? Me laisser aller à un tsunami de culpabilité ?
Cela n’apporterait rien aux autres et que du mal en moi. En évoquant l’article que vous lirez plus loin dans ce numéro «Jésus n’a pas dit …», je suis sûr que Jésus n’a jamais eu d’attitude ni de propos culpabilisants; au contraire, il a dit: «Je ne suis pas venu juger mais sauver …» et «Personne ne t’a condamnée? Moi non plus …, va et ne pèche plus …»
Ce serait trop simple de conclure sur quelques petites recettes morales faciles et j’espère l’éviter. Je sais qu’il est souvent difficile de partager maison, cuisine et salle de bain avec même un de ses enfants devenu adulte et revenu provisoirement quelques temps à la maison. Que dire alors d’accueillir une famille de réfugiés dans notre maison devenue trop grande après le départ des enfants? Sans savoir combien de temps il faudra tenir !
N’empêche. Je pense que j’ai à faire ma part, que nous avons chacun à faire notre part, que nous avons à nous y entraîner mutuellement. Depuis le don dans l’urgence d’un peu de nourriture et de vêtements jusqu’au vote aux élections européennes pour des élus qui, soutenus par une opinion favorable, auraient le courage d’une politique humaine, exigeante et ouverte, il y a à faire. Par exemple en passant par l’affirmation de ma solidarité au sein de l’opinion publique et en la confirmant par ma contribution à un impôt dont l’ampleur est liée en partie aux possibilités de la sécurité sociale et de la redistribution aux moins nantis. Pas de recette « prêt à porter », perplexité! Vigilance, occasions à saisir, faire un premier pas, puis un autre … et continuer.
Je veux croire qu’il y a des « faire route ensemble » possibles.
Frédéric Paque
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