Que se passait-il donc à Visé ?

Eugène DELMELLE de la Châtaigneraie est allé aux sources pour nous documenter sur les premiers pas de ce qui allait devenir notre Mouvement en 1943 sous le nom de ROUTE DES HOMMES. Laissons la parole à Eugène.

A Visé, il existe un livre Tally que conserve précieusement un certain « Pic tenace », notaire en la cité mosane : on y lit que la première réunion de la Route des Hommes à eu lieu le dimanche 28 novembre 1943, chez le regretté Docteur Jean ANDRIEN. Et le texte poursuit :

« Sont présents : Georges Nélissen (Bison cordial), Jean Andrien, Raymond Huynen, René Dessart, Albert Lovens (Chamois débrouillard). Cette première équipe de la R.d.H. est l’oeuvre du Bison cordial. C’est lui qui a tout proposé, tout prévu et
qui nous a vus chacun avant de nous réunir.
La R.d.H. est la loi scoute vécue par des hommes engagés dans la vie. C’est un véritable ordre laïc. Bison nous en explique le fondement le but, les moyens ainsi que l’organisation. Nous cherchons un patron, Bison nous propose Pierre Dominique Dupouey (Lieutenant du vaisseau, français, tombé le 3 avril 1915) qui est un modèle de l’homme énergique et convaincu.
On distribue des services : Bison est chef d’équipe, Jean, médecin, Chamois, secrétaire-trésorier. On remet à chacun des fiches médicale et d’identité à remplir… On prévoit d’autres points : cotisation 5 francs par mois. Constitution d’un livre « Tally », Carrefour à recevoir, liturgie de route, insigne, etc. On prévoit la promesse de Jean et de Raymond.
Voici notre première réunion, le point de départ d’un beau travail. »

La deuxième réunion se tint le 19 décembre 1943. Le livre « Tally » la relate brièvement :
« La réunion est convoquée par l’Ecorce n°1 adressée aux frères de l’équipe par Bison. C’est la première sortie de l’équipe. Avant que le jour se lève, nous partons à pied jusque Bombaye et nous nous rendons à la chapelle Ste Croix au hameau de la Tombe. Nous sommes accompagnés par le Commissaire de District (A l’époque, le District FSC de Liège s’étendait jusqu’à Visé) Pierre BEGASSE (le Sanglier maternel). »

Pierre Bégasse reçu les promesses scoutes de J. Andrien et de R. Huynen qui n’avaient pas connu le scoutisme jusque-là.
J’ai pris contact avec Raymond (Elan généreux) qui fait toujours partie d’une équipe de F+R à Visé bien qu’habitant Nodebais. C’est un assidu de nos agapes annuelles.

Il m’a dit: « Ne croyez pas que la Route des Hommes en est restée là ; vous ne seriez d’ailleurs pas en Fraternité de Route aujourd’hui, si… ! Ce n’était effectivement – comme il est dit dans notre première réunion de 43 – que « le point de départ d’un beau travail ».

« Nos activités à l’époque : toutes les trois semaines en alternance, réunion d’intérieur ou sorties.

Toutes nos activités étaient marquées par l’exigence souriante et consentie jusque dans les détails. Le Maître-Mot était souvent : « Rien à moitié ». Exigence dans les règles de vie physique (gym du matin), idem pour la vie spirituelle : lectures de prières, préparation en famille de l’Evangile du prochain dimanche, etc.

De ces débuts formidables, quatre frères de Route sont déjà rentrés à la Maison du Père.

J’ai une pensée reconnaissante pour quelques grands Bonshommes du Scoutisme qui nous ont tenus sur les fonts baptismaux : Willy GHIOOT, Père HAINAUT, Pierre BEGASSE, l’abbé BAUDHUIN, docteur Paul RENARD. »

J’ai retrouvé dans mes archives scoutes, un exemplaire de la revue « Carrefour des Routiers » – à laquelle j’étais abonné – d’avril 1945. J’y note spécialement certains articles que notre Revue ne peut malheureusement pas reproduire in extenso. Sous le titre Le foyer que tu as fondé figure tout d’abord un point de la charte du Routier-Maître.

« Le Routier-Maître forme avec son épouse une communauté spirituelle où chacun est pour l’autre source de sanctification mutuelle. »

Sous la plume de Joseph OZER, on peut lire que « le Routier-Maître ne peut songer uniquement à son perfectionnement personnel. Son élévation doit provoquer l’élévation de sa compagne. Elle ne peut être un frein pour lui, il ne peut être un
frein pour elle…
Il faut qu’elle sente que la route peut être vécue il deux, sans cela elle considérera la route comme une usurpatrice et, elle, dont toute la vie se confond avec celle du ménage, n’y verra qu’une occasion de plus pour son mari ou son fiancé de lui voler quelques unes des heures qu’elle estime lui être dues…  »

Dans ce numéro de « Carrefour des Routiers », on trouve un long compte-rendu du Premier Carrefour de la Route des Hommes.

En exergue, ces lignes: « Cette manifestation de la branche aînée du Scoutisme débuta le samedi 3 mars par une veillée qui réunit les Routiers-Maîtres, leurs épouses ou fiancées. »
« Branche aînée du Scoutisme »
On notera qu’à l’origine, la R.d.H. faisait bien partie de la FSC, tout comme les Meutes de Louveteaux, les Troupes d’Eclaireurs et les Clans de Routiers.

Willy GHYOOT, alors Commissaire à la Route, donne un compte-rendu de celle manifestation.

« Plus de 200 ménages étaient présents à Bruxelles pour ce premier CARREFOUR et parmi ceux-ci une quarantaine de Routiers-Maîtres de province dont plusieurs dames. Les espérances du commissariat furent comblées.
Ce Carrefour marque une date importante pour le Mouvement scout en Belgique et jalonne heureusement la dernière étape du Scoutisme. »

Et de rappeler:

« Nous sommes aux avant-postes du Scoutisme, nous sommes les pionniers d’une grande oeuvre, nous sommes essentiellement des éclaireurs tels que B. P. aimait bien les décrire dans « Scouting for boys », des hommes Qui marchent devant sans crainte de ce qui les attend. (… )

L’esprit scout au sens large ne change pas quelque soit l’âge de ceux qui le vivent.  Mais les gestes extérieurs doivent s’adapter à la mentalité et aux conditions de vie
des R.-M. »

« II faut établir des contacts avec les chaînes voisines, confronter avec les autres ses expériences, persévérer dans son action, malgré les échecs que nous rencontrerons forcément sur la Route. Il faut puiser dans la nature au contact avec les éléments, l’eau, le feu, la pierre, cet équilibre dont les R.-M. ont un urgent besoin.
Equilibre dans les activités de plein air, de conseil et de service, la trilogie qui est à la base des activités scoutes et qui conduit ceux qui la pratiquent à être « Maîtres dans leur vie ». (…) Le BISON NELISSEN a créé parmi l’assemblée cette impression inoubliable d’un homme qui croit aveuglément dans les possibilités du Scoutisme. Pour réussir, disait-il. il faut avoir la Foi »

Dans ce même numéro de la revue « Carrefour », s’inscrivait la Charte du Routier-Maître avec le développement de ses cinq points :
– Le R.-M. fait rayonner son christianisme.
– Le R.-M. est chef de famille.
– Le R.-M. est maître en sa profession.
– Le R.-M. est chef dans la cité.
– Le R.-M. est fort pour être utile.

Je suis heureux d’avoir pu, par mes démarches. et mes archives, retourner aux sources de notre Mouvement et en particulier de la chaîne 85e de Visé…

Eugène DELMELLE
La Châtaigneraie – Visé