Bébé philosophe !

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Article extrait de la Revue F+R – Hiver 2017

Monique raconte : 

Bébé philosophe !

Il y a longtemps, très longtemps, et même encore plus, j’ai lu dans une revue un texte écrit par un journaliste qui s’était imaginé dans la peau d’un jeune enfant pour essayer de comprendre comment celui-ci appréhendait le monde qui l’entourait. C’était une de ces revues que certains hommes, en souriant, appellent « revues féminines », c’est-à-dire, d’après eux, qu’on y trouve essentiellement des conseils de beauté, des régimes pour maigrir, de la mode, des recettes impossibles à reproduire, un article sur les animaux de compagnie et summum, un test de psychologie afin de savoir si vous avez les qualités nécessaires pour, par exemple, avoir des amis. Parfois on y trouve aussi un feuilleton qui se déroule de semaine en semaine, mais qui, à la troisième parution, permet de comprendre que la jeune héroïne va épouser le bel étudiant qui s’avère être le fils d’une riche famille. Heureusement, même en ce temps-là, on y trouvait (aussi) des articles de fond très bien faits. Dont celui dont j’ai gardé le souvenir.

Pourquoi y avoir soudain songé ces moments-ci, je ne sais pas vraiment, une naissance dans la famille et une autre en vue peut-être? Bien sûr, je ne me souviens que de quelques passages qui m’avaient particulièrement marquée. Ainsi le grand bébé ou peut être le petit enfant aimait entendre sa maman dire: «Zutj’aioubliéd’raccommoderletroudemongant!» espèce d’onomatopée qui pour lui voulait dire: on va promener. Il se retrouvait donc dans sa poussette mais, sa vision s’arrêtait à la hauteur des roues de voitures à côté desquelles il passait. Si quelqu’un bavardait avec sa maman: «quel beau bébé, madame!», il avait droit à une tête de plus en plus grosse qui se baissait vers lui. Que dire des chiens qui venaient le humer en tirant une longue langue, des gens qu’il croisait dont il ne voyait que des genoux jusqu’aux pieds … Le monde pour lui était seulement une image tronquée de la réalité.

Je pensais à cet article, et à ce bébé pour qui le monde n’était qu’une réduction de cette réalité, il lui faudrait grandir, apprendre le langage des adultes pour se rendre compte que la vie était tout autre.

Pourquoi ces découvertes ne se rapporteraient elles pas à nous? Nous humains, infiniment petits, sur notre planète un peu perdue dans l’univers. Ce que nous voyons n’est peut-être qu’une image tronquée de ce qui existe vraiment. Ne sommes-nous pas nous aussi des enfants, de Dieu, je vous l’accorde? Il y a tant de choses que nous ne comprenons pas, ou que nous comprenons peut-être mal. Ce champ de lavande, ces quelques coquelicots au bord d’une route, ce magnifique paysage d’automne, ces montagnes si hautes que leurs sommets restent toujours enneigés, ne sont-ils qu’une vision réduite de ce que nous trouverons quand nous aurons rejoint la maison du Père? Alors nos yeux seront ouverts et nous comprendrons ce qui nous semble maintenant incompréhensible. Pourquoi pas?
Moi, cela me fait rêver !

Monique Martin, Pol’Witchet, Visé